Labco, l'heure des interrogations est finie
Les uns sinterrogent sur la pleine compatibilité dune telle opération avec les règles applicables aux sociétés exploitant des laboratoires de biologie médicale et notamment avec larticle L. 6223-5 du code de la santé publique qui interdit toute détention directe ou indirecte dans le capital dune société exploitant un laboratoire de biologie médicale, à diverses personnes physiques ou morales telles notamment celles exerçant une autre profession de santé, les fournisseurs, les établissements de santé, les entreprises d'assurance et de capitalisation, les organismes de retraite et de capitalisation -.
Les autres mettent laccent sur les différents enjeux attachés à cette opération en particulier ceux de lever des fonds pour réduire lendettement de LABCO qui, fin 2014, cumulait plus de 650 millions deuros pour un chiffre daffaires annuel denviron 500 millions deuros (source : article de lAGEFI du 25 août 2014, « Labco avance vers son introduction à la Bourse de Paris »), ou de permettre enfin, après plusieurs années de tentatives, la sortie du capital dinvestisseurs historiques tels que le fonds de capital-investissement 3i -.
En définitive, cest avec la plus extrême curiosité que le document de base de LABCO était attendu.
Labco, un document clair où tout est dit
Or, force est de constater que ce document de 576 pages, enregistré le 7 avril 2015 sous le numéro I.15-017, ne dissimule aucune des principales sources de préoccupations que, notamment, les professionnels de la biologie médicale peuvent exposer à légard de cette opération.
Comme le secrétaire général de lAMF la indiqué dans un courrier du 28 avril 2015 aux présidents de syndicats de la profession de biologiste médical, « ( ) les risques liés au secteur dactivité que vous évoquez sont exposés de manière complète et compréhensible au paragraphe 4.1 du chapitre 4 relatif aux facteurs de risque du document de base, et la réglementation applicable, y compris le rôle des instances ordinales, est largement décrite au paragraphe 6.5 du chapitre 6 relatif aux activités du groupe de ce même document ».
Effectivement, si lon prend le temps de lire le chapitre 4 relatif aux facteurs de risques (pp. 24 à 49), linventaire à la Prévert des risques identifiés par le document de base déposé par LABCO pourrait presque donner le tournis.
Rien ou presque - ne semble y être omis, quil sagisse :
- du « respect de la réglementation applicable aux activités du Groupe (qui) est susceptible daugmenter ses coûts ou de restreindre ses activités », « le non-respect de cette réglementation étant susceptible dentraîner des sanctions de différentes natures » et « des modifications futures de la réglementation applicable au Groupe (pouvant) avoir une incidence défavorable significative sur son activité » (cf. à cet égard la problématique actuelle - des « investisseurs prohibés » qui pourrait exposer « les laboratoires français du Groupe à des mesures dastreinte et à une amende dun montant maximum de 2 millions deuros par SEL ( ) » et « lauteur de linfraction (cest-à-dire linvestisseur prohibé détenant une participation dans le capital de la Société) ( ) à une amende dun montant maximum de 2 millions deuros pour une personne morale et de 500 000 euros pour une personne physique par SEL du Groupe » (p. 26));
- des « modifications réglementaires déjà adoptées ou qui pourraient être adoptées à lavenir en France, de même que des contestations initiées par les autorités administratives compétentes ou les ordres professionnels, (qui) pourraient affecter la capacité du Groupe à développer son réseau de laboratoires français au moyen dacquisitions, le rendre plus dépendant des biologistes médicaux pour contrôler les opérations réalisées par les SEL, et remettre en question la structure organisationnelle et juridique du Groupe » (étant ici visée, notamment, « La loi du 30 mai 2013 (qui) pourrait également limiter la capacité du Groupe à vendre ou transférer des actions des SEL de biologistes médicaux quil détient à la date du présent document de base ou quil acquerra à lavenir et rendre plus complexes les restructurations quil envisagerait pour ses filiales » (p. 28)) ;
- des « prix que le Groupe peut pratiquer sur certains marchés ( ) fixés par des tarifs imposés par les Etats et qui sont souvent en baisse », comme en France (pp. 30 et suivants) ;
- de la « persistance de la faiblesse actuelle de léconomie (qui) pourrait avoir un effet défavorable sur les activités du Groupe » (p. 32) ;
- de « lendettement du Groupe (qui) pourrait affecter sa capacité à financer ses activités et à soutenir sa croissance, et avoir un effet défavorable significatif sur sa situation financière » (pp. 34 et s.) ;
- des « risques liés à sa stratégie dacquisition dentreprises » (pp. 36 et S.) ;
- du risque lié à « lincapacité de retenir ou recruter des biologistes médicaux expérimentés, ce qui pourrait affaiblir ses relations avec les communautés médicales locales et affecter défavorablement ses résultats dexploitation » (pp. 38 et s.).
Etc.
Quant à ceux qui, inquiets de la préservation - aujourdhui comme demain - de lindépendance des biologistes médicaux exerçant dans les laboratoires du réseau LABCO, chercheraient des réponses sur la façon dont cette société souhaite combiner lexploitation du Groupe avec le respect de la réglementation française applicable à la biologie médicale, ils nont quà se reporter au très instructif paragraphe 6.5.1 du document de base (pp. 105 à 113).
Face à une telle transparence - pour qui veut bien prendre la peine de lire le document de base produit par LABCO -, point nest besoin aux biologistes médicaux de jouer les Cassandre. Demain, il sera aisé de répondre à tous, biologistes médicaux, Pouvoirs publics, ou investisseurs : « LABCO vous lavait bien écrit ».