Imprimer cette page

L'ACTUALITÉ

Dépistage COVID-19 : Il n’y aura pas de miracle du test antigénique : revenons-en aux réalités scientifiques et organisationnelles du dépistage

28 septembre 2020

L’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et les différentes déclarations des tutelles sur les tests antigéniques soulèvent plusieurs interrogations sur le pilotage, par les autorités, de la stratégie de dépistage aujourd’hui. Si le SDB a bien conscience que certains rêveraient d’une solution miracle qui permettrait de réaliser du dépistage de masse du COVID-19 sans les laboratoires de biologie médicale (LBM), ce n’est pas ce nouveau type de tests qui le permettra. 

Un usage efficace limité

Le SDB partage l’avis du Pr Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon et membre du Conseil scientifique Covid-19. Dans son interview publiée dans le Quotidien du médecin du 25 septembre, il fixe clairement les limites de ces nouveaux tests antigéniques : « ils ne vont néanmoins pas changer la donne par rapport aux autres outils et ne permettront pas de désengorger les laboratoires d’analyses ». Pour le Pr Lina, ces tests pourront être utiles pour « faire le tri d’un certain nombre de patients, par exemple en Ehpad dans des situations épidémiques à fort risque de positivité. Ils peuvent également être employés dans des tests de suivi longitudinaux : lorsque la même population (soignants, sportifs) doit être suivie toutes les semaines, le dépistage régulier peut être assuré grâce à ces tests rapides. » Il rappelle toutefois un point essentiel : « ces outils ne seront pas suffisants pour cesser de faire des RT-PCR pour la confirmation des cas ».

En résumé, les tests antigéniques sont intéressants pour procéder à des dépistages systématiques dans des établissements collectifs (Ehpad, écoles, entreprises…) dans lesquels il y a un fort taux de contamination. Le test permet de procéder à un premier dépistage rapide et d’écarter ceux qui sont négatifs. Pour les cas positifs, il faut alors envoyer les prélèvements naso-pharyngés (qui doivent donc être correctement conservés) dans un laboratoire pour une vérification par RT-PCR. Soulignons que même dans ces cas d’usage optimum, les porteurs asymptomatiques ne seront détectés qu’une fois sur trois du fait du manque de sensibilité de ces tests.


Nos interrogations

Dans ce contexte, l’avis et la communication de la HAS autour de ces tests antigéniques interrogent. Une certaine confusion apparaît aujourd’hui quant au pilotage de la stratégie de dépistage. Certes la HAS est une autorité administrative indépendante, mais la situation sanitaire grave de notre pays demanderait un peu plus de coordination afin de ne pas diffuser des messages contradictoires ou précipités.


Les points qui posent question :

  • La HAS écrit dans son avis que « le manque de sensibilité de ces tests pourrait être compensé par leur rapidité de réalisation ». Peut-on scientifiquement tenir ce langage, surtout de la part d’une autorité sanitaire dont les avis sont censés être basés sur la science. Quel biologiste oserait tenir ce même langage à un auditeur du Cofrac lors d’une visite d’accréditation ?
  • Contrairement à ce qu’a laissé entendre la HAS, il ne semble pas du tout certain que l’Assurance maladie décide de prendre en charge les tests antigéniques. Selon nos informations, la CNAM ne le souhaite pas.
  • Alors même qu’elle était attendue sur le sujet, notons que la HAS ne se prononce pas sur l'usage de ces tests antigéniques dans le cadre des campagnes de dépistage massif.
  • Concernant la diffusion de ces tests en ville, en particulier en pharmacie, à ce jour et à notre connaissance, seul l’État a acheté des tests antigéniques pour les distribuer dans les établissements de santé, à certains laboratoires ou aux ARS. Un usage en ville, dans les pharmacies d’officine ou dans les cabinets médicaux, poserait plusieurs problèmes, avec au premier rang, celui de la traçabilité des patients et de leurs résultats, mais également celui de la quantité d’EPI (équipement de protection individuelle) nécessaires qui restent indispensables (masques, gants, surblouses) et celui de la gestion d’un volume de déchets contaminants important. 
  • Enfin, il est erroné de penser que les tests antigéniques vont permettre de résoudre le problème d’engorgement des laboratoires. Comme le souligne le Pr Lina, cette technique ne permet pas de remplacer la technique de RT-PCR dépendante de laboratoires de biologie médicale. 

Le SDB demande donc à ce que les décisions prises au sujet du dépistage et des tests COVID-19 le soient de façon concertée et en fonction d’arguments scientifiques, cliniques et organisationnels solides. 

Des problèmes d’engorgement loin d’être généralisés

Selon les remontées faites par la profession, le SDB rappelle que, sur la grande majorité du territoire français, les résultats sont encore aujourd’hui rendus au maximum à +24 h pour les cas urgents et à + 48 heures pour les autres. Une situation rendue possible grâce à l’importante implication des biologistes médicaux et de leurs équipes, ainsi qu’aux laboratoires et aux groupes de laboratoires qui ont investi (en matériel et en personnel) pour structurer l’offre de biologie médicale afin de répondre aux besoins de dépistage RT-PCR.

Et lorsque l’on constate un allongement des rendez-vous, des files d’attente et des durées de rendu de résultats, les solutions doivent se trouver situation par situation. 

La généralisation des tests antigéniques est un pari risqué sur le plan de la santé publique, qui pourrait également fragiliser les dispositifs mis en place par les laboratoires de biologie médicale.

Pour les cas d’engorgement comme pour la réponse à moyen terme en cas d’aggravation de la situation épidémique, la solution est connue : cela passe par un équipement plus important des laboratoires de biologie médicale, une multiplication des points de prélèvement et une meilleure organisation des centres de dépistage pour la gestion des patients prioritaires (patients zéros et cas contacts). Une chose est certaine, ce ne sont pas des tests non remboursés qui résoudront les problèmes rencontrés.

Informations supplémentaires

  • Accès Restreint: non
Dernière modification le mardi, 13 octobre 2020