La fin de 20 ans de débats sur le caractère médical du biologiste ?
En 2013, Mme Marisol Touraine et le parlement pensaient mettre fin à 20 années de débats en accolant clairement à « biologie » le qualificatif de « médical ». Tout est dans ce qualificatif, car qui dit médical implique une conception du métier centrée non pas sur le tube à analyser, mais sur le patient à soigner, sur lhumain. Ceci donne au biologiste, comme au médecin, une responsabilité particulière : celle de subordonner au service du patient toute autre considération, à commencer par ses intérêts financiers. Non pas quils dussent les ignorer, mais les cantonner à leur juste place. Cest pour cela que nous sommes formés, formatés même et encadrés par ce quon appelle la déontologie. Et comme la responsabilité ne se conçoit pas dans la subordination, mais dans une certaine forme dindépendance, il importe que celle du biologiste soit préservée.
Une législation maintenant claire
En créant larticle 6223-8 du CSP, la loi de 2013 a entendu sanctuariser le principe de lexclusion de la biologie du bénéfice de la dérogation à la règle de détention majoritaire du capital dune SEL par les biologistes y exerçant fixé par larticle 5 de la loi du 31 décembre 1990. Cela signifie que le cadre législatif est maintenant limpide : larticle 5 de la loi de 1990 sapplique dans toute sa portée à la biologie médicale, et impose que la majorité du capital et des droits de votes soit détenue par les biologistes en exercice dans la SEL.
En adoptant cet article, le but clairement affiché à la fois par Mme Marisol Touraine, mais également par les parlementaires, tous partis confondus, était de mettre fin à la financiarisation de la biologie. Il nest quà se référer aux débats parlementaires et aux multiples déclarations de Mme la Ministre.
Les financiers forcent pourtant encore la porte des SEL de biologistes médicaux
Cela nempêche toutefois pas les financiers dessayer de continuer à forcer la porte de nos SEL. Sous la pression des lobbies financiers, le Gouvernement na pas osé leur imposer de se mettre en conformité avec le principe réaffirmé de détention majoritaire du capital sous un délai convenable, comme il lavait fait pour les SEL de pharmacies. Le titre II de larticle 6223-8 laisse aux SEL qui ont appliqué la dérogation du 5-1 la possibilité de continuer à en bénéficier :
« Les sociétés d'exercice libéral de biologistes médicaux créées antérieurement à la date de promulgation de la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date, ne respectent pas le I du présent article ou le I de l'article 10 de la même loi conservent la faculté de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée. »
Que veut dire exactement «conservent la faculté de bénéficier de la dérogation prévue à larticle 5-1 » ? Tout le débat est là !
Une « contamination » de type 5-1 par rachat, illégale aux yeux du SDB
Dans lesprit du législateur, ces sociétés sont là, elles existent, et peuvent continuer dexister en bénéficiant de leur dérogation à la loi. Cela est incontestable pour elles-mêmes, constituées avant mai 2013. Mais ont-elles le droit, en rachetant des SEL qui nont pas bénéficié de cette dérogation, de les faire basculer dans le statut dérogatoire ?
Cest clairement NON, pour le SDB et pas que pour lui. Pour nous, larticle 6223-8 empêche toute SEL, quelle bénéficie ou non de la dérogation du 5-1, de devenir majoritaire dans le capital dune SEL qui na pas appliqué le 5-1 avant mai 2013, ne serait-ce quune fraction de seconde.
La loi est claire, elle doit être appliquée et le SDB fera tout pour quelle le soit
Selon le SDB, depuis mai 2013, toute prise de participation majoritaire ou opération de fusion-absorption menée par des tiers, et en particulier par les SEL des réseaux contrôlés par les financiers (les Cerba, labco, Novescia, Unilabs, ), à légard dune SEL non dérogatoire, est illégale.
Toute autre interprétation est, pour le SDB, un abus de droit quil entend faire trancher par un tribunal administratif, un tribunal de commerce ou par les instances déontologiques. Il soutiendra tout biologiste qui constaterait dans sa région que le droit nest pas appliqué strictement par les ARS.
Le SDB refuse de laisser se créer deux biologies
Il nappartient pas au SDB de faire la loi, mais en loccurrence, quand la loi est faite, il lui appartient de la défendre dans lintérêt de la profession. Ce nest en effet pas maintenant quil a obtenu, après une lutte tenace de plusieurs années, un arbitrage politique favorable à larrêt de la financiarisation quil va laisser perdurer le détournement de la lettre et de lesprit de la loi.
Si le SDB ne défendait pas la loi de 2013 en ce qui concerne la détention du capital des SEL de biologistes médicaux, il laisserait se créer deux biologies : dun côté, une biologie aux biologistes, contrainte de respecter la loi, les détentions de capital, les territoires de santé, les professions interdites ; de lautre, une biologie financière, hors de la loi, dérogatoire et pouvant saffranchir de toutes les contraintes qui brident la première, sintroduire en bourse, ramasser tous les capitaux quelle veut et exercer une concurrence par là même déloyale! Un non-sens !
Mais le SDB nest pas la biologie. La biologie est aux biologistes et cest aux biologistes de défendre leurs droits et dêtre en cohérence avec eux. Cest à eux de se battre sils constatent que leur ARS ne fait pas respecter la loi. Le SDB mettra à la disposition de leurs conseils toute sa force et toute son expérience. Il ne fera pas respecter leurs droits à leur place, mais il les soutiendra, donnera le cadre, informera les ARS et le ministère, pèsera derrière eux de tout son poids sils sont adhérents, bien sûr !
La crainte doit changer de camp : trois affaires devant les tribunaux
Trois affaires sont déjà entre les mains des instances ordinales et des tribunaux :
Dans le Tarn-et-Garonne, un grand réseau de financiers, par lintermédiaire dune SEL, sest porté acquéreur dune autre SEL détenue par un biologiste-personne physique. LARS de Midi-Pyrénées a ratifié cette acquisition par un arrêté. Cet arrêté a été attaqué par un confrère local et le SDB sest joint solidairement à la procédure dans le but de faire dire le droit.
En PACA la situation est la même et cest un arrêté de lARS de PACA qui est attaqué par un confrère local. Là aussi le SDB sest joint à la procédure.
En Normandie, la situation est encore plus confuse. Le rachat dune SEL locale par un réseau de financiers a montré que lopération conduisait ce dernier à détenir la totalité du capital de la SEL, en contradiction totale avec la législation. Des confrères locaux ont mis en demeure lARS de mettre ce laboratoire en conformité et des procédures ordinales sont en cours. Là également le SDB soutient cette action.
Certes ces litiges ne sont pas encore jugés, donc pas gagnés, et le SDB na pas la garantie quils soient clairement tranchés sur le fond en faveur de son analyse de la loi, les tribunaux pouvant éventuellement se limiter à annuler les décisions des ARS sur des questions de forme. Et vu la vitesse à laquelle la juridiction administrative se prononce, elles ne le seront pas avant plusieurs mois. Mais ils font peser sur le rachat de SEL par des structures financières bénéficiant de la dérogation du 5-1 un risque juridique considérable. Ils indiquent également la voie à suivre pour nos confrères qui voient arriver dans leur secteur des financiers le carnet de chèques à la main. Ils doivent rendre prudents nos confrères tentés par les sirènes de ce même carnet de chèques. La crainte doit changer de camp.
Pour comprendre la lutte contre la financiarisation de la biologie médicale : de la loi Murcef de 2001 à la loi de 2013
Le célèbre article 5-1 de la loi de 1990 permettant de déroger à la règle de détention majoritaire du capital dune SEL par des professionnels exerçant au sein de celle-ci a été créé, et intégré dans la loi du 31 décembre 1990, par la loi du 11 décembre 2001 dite « loi Murcef ». Dès que les premières sociétés financières se sont appuyées sur des biologistes pour sengouffrer dans cette faille, le SDB sest mobilisé sans relâche, et il faut bien le dire sans trop de succès, pour lutter contre la financiarisation de la biologie. Les pressions exercées par la Commission Européenne, par Bercy, par lInspection générale des Affaires sociales (IGAS), par Labco, tout concourrait à faire basculer la biologie dans les services « Bolkenstein », avec un gouvernement partagé sur le sens à donner à la réforme Ballereau, 400 labos plutôt que 4000.
Pourtant, notamment sagissant dune profession aussi sensible que la biologie, la dérogation de larticle 5-1 naurait jamais dû être une fatalité, puisque ce même article prévoyait quelle pourrait être neutralisée, par voie de décrets, compte tenu des nécessités propres à chaque profession, si cette dérogation était de nature à porter atteinte à l'exercice de la profession, au respect de l'indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres. Hélas, bien que maintes fois réclamé et promis, aucun décret de neutralisation du 5-1 concernant la biologie nest paru, et les financiers, sûrs de leur force, en ont profité pour simmiscer de plus en plus fortement dans la biologie.
De 2001 à 2013, toute la question sest concentrée sur ladoption de ce décret tant attendu. Pour le Gouvernement, le faire paraitre cétait défier la Commission européenne et les lobbies financiers incrustés dans la biologie, et renoncer au mirage des économies procurées par une industrialisation à outrance. La décision sest cristallisée en 2009-2010. Attaquée par la Commission Européenne sur plainte de Labco, la France, poussée par le SDB, se décidait à défendre sa conception protectrice de la détention du capital des laboratoires devant la Cour de Justice de lUnion Européenne. Amenée à se prononcer, notamment, sur la validité, au regard du droit communautaire, des dispositions du décret de 1992 limitant à 25 % au plus la détention du capital dune SEL de biologistes par un non-biologiste, la Cour avait, en décembre 2010, livré une réponse positive au regard des objectifs de protection de la santé publique poursuivis à travers cette règle restrictive. Dès lors, ladoption dun décret neutralisant le 5-1 nétait plus quune question de temps. Cest en fait dans la loi de 2013, par la création de larticle 6223-8 du CSP, que le principe de lexclusion de la biologie du bénéfice de la dérogation à larticle 5 était sanctuarisé.