Une biologie médicale de qualité remise en cause
Les conclusions du rapport de l’autorité de la concurrence reviennent à en finir avec l’exigence d’une biologie médicale indépendante, de qualité et de proximité. Il propose en effet de supprimer ou vider de leur sens les règles qui garantissent un mode d’exercice compatible avec les exigences d’une profession de santé. Sont ainsi visées par l’Autorité de la concurrence :
- Les règles de protection du capital visant à garantir l’indépendance des professionnels de santé (ouverture totale ou partielle de la participation au capital des laboratoires aux investisseurs non biologistes).
- Les règles sur le pourcentage d’échange d’examens transmis entre SEL.
- Les règles relatives au champ d’action territorial d’un laboratoire.
- Les règles relatives à l’interdiction des ristournes et autres remise tarifaires.
La biologie médicale a vécu ces 10 dernières années une profonde restructuration en divisant par 10 le nombre de ses plateaux techniques pour la réalisation des examens. Malgré plus d’un milliard d’euros de baisses cumulées de nomenclature de ses actes, elle a mis un point d’honneur à ne sacrifier, sur l’autel de la rentabilité, ni la proximité, ni la qualité des services de santé rendus quotidiennement aux 500 000 patients pris en charge dans les laboratoires.
Coexistent aujourd’hui dans ce paysage d’un côté des laboratoires indépendants dirigés par des biologistes médicaux (médecins et pharmaciens spécialisés), et de l’autre des laboratoires détenus par des fonds d’investissement, au prix de montages juridiques complexes et parfois contraires à la législation en vigueur.
Un rapport qui traite la Santé comme un marché de services
Dans son rapport, l’Autorité de la concurrence poursuit ainsi un objectif contraire à sa mission fondatrice en conférant par ses orientations un avantage concurrentiel aux réseaux de laboratoires financiers vis-à-vis des laboratoires indépendants et libéraux.
La santé n’est ni un bien de consommation, ni un service comme un autre dont le seul régulateur devrait être l’économie de marché mondialisé. Rappelons que le tarif des actes de biologie médicale est réglementé par l’Etat et leur coût est pris en charge quasi en intégralité par la Sécurité sociale.
Il est d’ailleurs difficilement compréhensible que les cotisations issues du travail des citoyens français aillent alimenter des fonds de pension étrangers à travers des holdings de laboratoire établis sur le territoire français, mais dont le siège étranger permet de réaliser de l’optimisation fiscale.
Des préconisations aux conséquences importantes sur l’offre de soins
Ces nouvelles préconisations, si elles étaient suivies par le Gouvernement, entraineraient une nouvelle vague de concentration avec la disparition de centaines de plateaux techniques traitant aujourd’hui entre 1000 et 5000 prescriptions par jour. Cela aurait pour effet immédiat d’allonger de fait les délais de rendu pour les patients et leurs médecins à plusieurs jours et obligeant les échantillons de sang à parcourir des centaines de kilomètres avec un risque de défaillance déjà identifié lors de grèves, de pannes et de difficultés de recrutements de spécialistes rencontrées par certains grands groupes.
Ce modèle est poussé par certains réseaux de laboratoires cherchant à récupérer à peu de frais de nouvelles parts de marché sur le territoire et ainsi tenter d’améliorer leur lourd bilan d’endettement consécutif à leur trop ambitieuse politique de rachat de laboratoires en France au cours de ces dernières années.
D’un autre point de vue, l’Autorité de la Concurrence ne peut méconnaitre les réelles difficultés au quotidien d’accès aux soins primaires de proximité des Français. Alors que les examens biologiques concourent à 70% des diagnostics médicaux, elle propose d’ajouter aux déserts médicaux des déserts biologiques sous le faux prétexte de l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens français, dont le reste à charge pour les examens de biologie médicale ne dépasse pas 10 euros par an.
Alors que l’une des revendications des « gilets jaunes » et du « Grand débat » porte sur l’accès aux soins, il serait tout à fait inconséquent d’aggraver la situation en dégradant l’offre de soins de proximité rendu possible entre autres par la présence de laboratoires de biologie médicale sur l’ensemble du territoire.
Pourquoi détruire un modèle qui fonctionne et qui est maîtrisé ?
La biologie médicale française a trouvé un équilibre entre proximité, qualité et juste coût pour la société. La biologie médicale française soutient en effet tout à fait la comparaison en matière de coût avec d’autres pays européens où la biologie médicale est pourtant pratiquée sur le modèle industriel.
La biologie médicale française est en train de relever les défis de la qualité grâce à l’accréditation à 100% à l’horizon 2020 – fait unique en Europe –, d’investir dans la pratique d’examens innovants (Rhésus fœtal, DPNI, etc.) et de participer aux côtés des autres professionnels de santé à la politique de prévention et de dépistage définie par le Plan « Ma Santé 2022 ».
Nous appelons le Gouvernement à renouveler sa confiance dans le modèle français de la biologie médicale et dans les professionnels de santé qui le mettent en œuvre. La vision industrielle de la biologie médicale portée par l’Autorité de la concurrence relève d’une position dogmatique, sans justification économique et porteuse de graves dangers pour l’organisation des soins, la permanence des soins et la santé des Français.
Cette vision risque de surcroît d’être contre-productive en créant un monopole de la biologie médicale qui sera détenue, à terme, par quelques grands groupes financiers internationaux dont les actionnaires auront, de fait, la maîtrise de l’offre de soins sur notre territoire.