Monsieur le ministre des Solidarités et de la Santé, comme vous l’avez vous-même rappelé lors de votre venue aux Journées de l’innovation en biologie en décembre dernier, les laboratoires de biologie médicale ont été les acteurs de premier plan de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. La mobilisation des 4 000 sites de laboratoires de biologie et 7 000 biologistes médicaux ont en effet permis de :
- Mettre en place un dépistage de pointe par la technique PCR de référence, du prélèvement jusqu’au rendu de résultat, via le dispositif SI-DEP (créé et utilisé par les biologistes à une vitesse record) et à présent sur le criblage et séquençage du virus SARS-CoV-2.
- Déployer un dépistage de masse au plus près des besoins : EHPAD, écoles, universités, services d’État, lieux de vie collectifs, milieux professionnels à risque…
- Optimiser l’information et la prise en charge du grand public : prise de rendez-vous en ligne, sites internet et augmentation des capacités d’accueil téléphonique, constituant une aide logistique significative dans le conseil aux patients, parallèlement aux services mis en place par les pouvoirs publics.
La France a fait du testing de masse la pierre angulaire de sa politique de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Le support apporté par les tests antigéniques rapides majoritairement réalisés dans les pharmacies d’officine est en cela indéniable, quoique sûrement perfectible sur la pertinence des indications et du conseil associé. De toute évidence, leur capacité à réaliser un volume aussi important de tests antigéniques rapides indique avec raison aux pouvoirs publics qu’il existe une réserve inexploitée de temps paramédical qu’il conviendrait de mieux exploiter au service des patients en marge du système de santé, en particulier dans les déserts médicaux.
Ce constat étant fait, il appelle deux remarques d’importance :
- Il apparait indispensable d’entendre et d’anticiper les besoins soulevés par les professions de santé.
Les laboratoires de biologie médicale réclamaient depuis plusieurs années la possibilité de vacciner, notamment contre la grippe, au même titre que les pharmacies d’officine. Ce refus a conduit à la situation préjudiciable qu’il a été difficile, voire impossible aujourd’hui de mettre en place la logistique interne nécessaire à la vaccination contre la Covid-19 qui nous est enfin autorisée, surtout dans un contexte de tension extrême induite par la demande de tests PCR au sein de nos structures.
De la même manière, les laboratoires de biologie médicale ont toujours été soigneusement tenus à l’écart des programmes nationaux de dépistage (recherche de sang dans les selles dans le cadre du dépistage du cancer colo-rectal, dépistage de l’HPV dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus) mais aussi du dépistage des infections sexuellement transmissibles, du diabète ou encore de la maladie rénale chronique dans des populations ciblées.
- La politique de dépistage reposant sur la biologie médicale doit absolument être confiée à des professionnels de santé diplômés et experts dans cette spécialité médicale.
En effet, la biologie médicale a été identifiée en 2008 comme une spécialité sensible en termes de risque médical attaché à un défaut de qualité, ayant abouti à l’obligation d’accréditation. Exemple concret et d’actualité : des tests rapides antigéniques effectués à basse température ou par des opérateurs non qualifiés sur certains barnums dépendant de pharmacies ont souffert d’un grave défaut de sensibilité et ont pu constituer un facteur aggravant à la circulation virale et un mauvais rapport bénéfice/coût pour l’Assurance Maladie.
Monsieur le Ministre, vous le savez, la situation financière de nos comptes sociaux ne permettra pas d’expérimenter des protocoles de dépistage reposant sur des tests type TROD ou de biologie délocalisée non encadrés, au bénéfice mal évalué et dont le surcoût n’est par ailleurs pas médicalement justifié au regard de l’offre de dosages de référence disponibles en laboratoires de biologie médicale.
Il nous apparait indispensable de sanctuariser la notion d’expertise en santé humaine : les biologistes médicaux n’ont pas vocation à exercer sur le terrain du médicament, les pharmaciens d’officine ne doivent pas être autorisés par dérogation à exercer une biologie de seconde zone. Les CPTS permettent d’ores et déjà de travailler en collaboration entre acteurs de santé respectueux de ces valeurs, au bénéfice de tous les patients, dans un cadre d’interprofessionnalité que les pouvoirs publics appellent de leurs vœux.
La France a la chance de pouvoir compter sur une réserve de professionnels de santé experts dans leur discipline, d’autant d’outils numériques qui vont faciliter la circulation d’informations entre acteurs. Le SDB souhaite qu’enfin les biologistes médicaux de terrain soit entendus, impliqués et utilisés pour leur compétence décisive pour la pertinence et la qualité des prises en charge… et non systématiquement considérés comme des variables d’ajustement professionnels et économiques.