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Réforme des retraites : les biologistes médicaux parmi les perdants ? Spécial

01 mars 2019

Tels que les travaux sont engagés, les biologistes médicaux, comme l’ensemble des libéraux, font partie des perdants de la loi sur les retraites actuellement en gestation. Ils vont devoir verser plus, percevoir moins et, peut-être même, accepter de payer pour les autres.
 
Le texte est censé être présenté en Conseil des ministres avant l’été pour être voté à la rentrée, si le calendrier prévu est respecté. Les discussions concernant plus spécifiquement la retraite des pharmaciens sont prévues en mars et avril. Les grands principes de la réforme sont toutefois connus. Explications.

Les objectifs de la réforme

Le principe directeur de la réforme des retraites voulue par le Gouvernement est de passer d’un système géré par différents régimes propres à chaque catégorie professionnelle (42 régimes différents dont 10 pour les professions de santé libérales) à un système universel, fonctionnant par répartition, commun à tous les actifs. Il s’agit de définir des règles communes à l’ensemble des assurés.
 
Par ailleurs, une retraite unique sera versée par individu sur la base d’un compte de carrière. « Les droits seront tous utiles pour le calcul de la retraite, quel que soit le parcours professionnel, précise Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites. Actuellement, dans le régime général, tout est basé sur les annuités et la durée. Avec la réforme, les règles de calcul des droits et les mécanismes de solidarité seront les mêmes pour tous. Les points accumulés tout au long de la vie seront enregistrés dans un compte unique. »
 
L’ensemble des 42 régimes obligatoires actuels sont concernés par la réforme, y compris les régimes des fonctionnaires et les régimes spéciaux.
 
Néanmoins, des spécificités ou des dérogations pourront être maintenues dès lors qu’elles sont justifiées par des critères liés à des différences de situations objectives telles que la pénibilité. De même, des dispositifs non contributifs seront préservés pour assurer une solidarité entre les actifs.

Quel plafond ?

La détermination du plafond de revenus professionnels soumis à cotisations doit répondre à plusieurs enjeux :

  • Garantir l’universalité en couvrant à titre obligatoire une part très significative de la population et des revenus d’activité professionnelle.
  • Permettre le maintien des équilibres financiers actuels tant en matière de cotisations que de prestations servies.
  • Garantir une redistribution suffisante du système de retraite afin de limiter les écarts entre les retraites les moins importantes et les plus élevées.
  • Veiller à la compétitivité des entreprises. 

Les mêmes droits pour tous

Pour ce qui est de l’assiette et du taux, le principe selon lequel un euro cotisé vaut les mêmes droits est censé traduire une harmonisation des rendements quel que soit le statut et pour un même effort contributif.
 
En outre, l’assiette et le niveau des cotisations détermineront le niveau d’acquisition des droits à la retraite. Avec un double objectif :

  • d’une part, assurer une équité entre assurés avec des rendements et des efforts contributifs harmonisés ;
  • d’autre part, fixer des contributions suffisantes pour éviter qu’une proportion trop importante de la population ne relève du minimum de retraite du fait de cotisations insuffisantes.

Des taux de cotisation à la hausse

L’instauration d’un régime unique ne manquera évidemment pas d’impacter tous les biologistes médicaux pharmaciens ou médecins.
 
« D’abord parce que l’on a de bonnes raisons de penser que les taux de cotisation vont augmenter, avertit Francis Guinard, membre du Bureau du SDB et en charge du dossier. Rien qu’au niveau du premier PASS (Plafond annuel de la sécurité sociale, sachant que le montant d’un PASS est fixé à 40 000 euros, NDLR), on serait rapidement à 28 %. Ensuite, dans la mesure où des cotisations sont prévues jusqu’à trois PASS, on se demande à combien elles s’élèveront pour le deuxième et le troisième. Pour ces derniers, on parle d’un taux de 11,2 %, toujours dans le cadre d’une retraite par répartition alors qu’auparavant, les taux étaient dégressifs, et alimentaient une part de capitalisation. »
 
Sachant qu’en augmentant les cotisations affectées au régime obligatoire, on diminue mécaniquement d’autant la capacité des biologistes à se constituer, parallèlement, une retraite par capitalisation, leurs disponibilités financières en la matière n’étant pas un puits sans fond.

Des montants perçus à la baisse

L’incertitude est également grande quant aux montants de retraite que vont percevoir les biologistes.
 
D’après les projections actuelles, il n’est pas impossible qu’ils cotisent plus pour… toucher moins. Actuellement, la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) verse, en moyenne, 22 000 euros de retraite annuelle pour 10 000 euros cotisés par an depuis l’âge de 35 ans. Avec le régime unique, il est question que l’on passe de 23 000 à 16 500 euros. Il subsiste toutefois encore beaucoup d’incertitudes liées aux modes de calculs eux-mêmes, mais aussi au ratio actifs/retraités dans la prochaine décennie (un actif pour un retraité en 2022).

Les jeunes pénalisés lors de leurs deux premières années d’exercice

Autre écueil en vue, l’impact de cette réforme sur les jeunes confrères qui s’installent.
 
En effet, jusqu’à aujourd’hui, leurs cotisations retraite sont moindres lors de leurs deux premières années d’exercice dans la mesure où ils cotisent en classe 3, loin du taux de 24,3 % en vigueur. Une dérogation qui, bien sûr, les aide à franchir le cap quand il s’agit de commencer à rembourser des prêts importants, en particulier l’achat de parts sociales, qu’ils ont engagés pour s’établir. Or, il n’est pas sûr, et c’est un euphémisme, qu’au vu de ce que prépare le Gouvernement, cet avantage perdure.

Le régime des professionnels libéraux pénalisé… pour cause de bonne gestion

Les professionnels libéraux, notamment les biologistes, ont l’immense tort d’être prévoyants et de bien gérer leur système de retraite. Résultat: ils ont accumulé un trésor de guerre en prévision des années difficiles qui fait des envieux, en particulier le Gouvernement qui doit financer le gouffre que représente la retraite des fonctionnaires.
 
« Notre angoisse est que l’on réaffecte d’autorité les réserves que nous avons constituées, confirme Francis Guinard. Ce qui augure un conflit de générations sous-jacent d’autant que les jeunes devront cotiser de plus en plus pour payer la retraite de leurs aînés dont l’espérance de vie et le nombre vont de surcroît augmenter. »
 
Pour noyer le beau bébé avec l’eau sale du bain, le Gouvernement qui aspire à supprimer les régimes spéciaux de retraite obligatoire ne serait pas contre une suppression pure et simple (ou à une extinction programmée) de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Professions Libérales (CNAVPL) dont la CAVP est l’une des composantes.
 
Vu les circonstances, ne pourrait-on pas envisager une fusion des dix caisses des professions libérales qui composent la CNAVPL pour aboutir à une seule Caisse multiprofessionnelle des professions libérales. Un moindre mal, même s’il ne sera pas aisé de réunir les uns et les autres en raison de leurs disparités de revenus et d’activités.

Informations supplémentaires

  • Accès Restreint: non
Dernière modification le vendredi, 08 mars 2019