D’avril à mi-juillet 2018, les laboratoires de biologie médicale d’une douzaine de départements interviendront auprès de familles pilotes dont les enfants, nés en 2007 ou 2008, participent à la grande étude Elfe, qui vise à suivre sur vingt ans leur parcours social et sanitaire. Ces familles pilotes constituent la cohorte test de l’étude principale qui touche quant à elle 18 000 enfants nés en 2011. Leur rôle est de valider la démarche et la méthodologie des différentes étapes de l’enquête.
QUELS OBJECTIFS DE RECHERCHE ?
Caractériser les expositions
L'ensemble de ces prélèvements va permettre « de caractériser les expositions des enfants pour étudier leur effet sur la santé. Par exemple, on pourra tester si la présence de marqueurs d'exposition à des perturbateurs endocriniens est ou non associée à des pubertés plus précoces », explique le Docteur Marie-Aline Charles, Directrice de l'étude Elfe.
A cette fin, une partie des nourrissons a déjà fait l'objet de prélèvements à la naissance afin d'analyser, par la mesure de biomarqueurs d'exposition, les contaminants (mercure, plomb, pesticides, phtalates etc.) auxquels ils ont pu être exposés in utero. Par ailleurs, un certain nombre de biomarqueurs vont permettre de caractériser leur alimentation et d'avoir des informations objectives sur celle-ci.
Caractériser les statuts
Le suivi biologique mené dans le cadre de l’étude Elfe vise également à caractériser, pour chaque enfant, son statut :
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Métabolique par le biais de prélèvements de sang et de selles (destinés à étudier le lien entre le microbiote et l’insulinorésistance par exemple) mais aussi de dosages du cholestérol, des triglycérides, etc.
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Hormonal en dosant les hormones (pour savoir si la fonction thyroïdienne est affectée par des expositions aux phtalates, au phénol, etc.) et en dépistant les pubertés précoces.
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Immunitaire via des prises de sang (pour connaître son lien avec le schéma de vaccination de chacun ou le statut nutritionnel de l’enfant).
Rechercher des marqueurs épigénétiques
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Identifier les expositions qui sont responsables de modifications épigénétiques.
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Evaluer si ces marques épigénétiques ont des conséquences sur la santé.
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Déterminer combien de temps ces marqueurs sont présents dans l’organisme, s’ils disparaissent au fil des ans et en fonction de quoi.
Ainsi le tabagisme de la mère se traduit par des marques épigénétiques chez le nouveau-né. Sachant qu’un certain nombre de ces marqueurs d’exposition précoces constituent, à terme, des facteurs de risque de survenance de certaines pathologies à l’âge adulte. Il s’agit ici d’identifier leurs propriétés prédictives, ce qui nécessite de pouvoir suivre suffisamment longtemps les enfants.
QUEL ROLE POUR LES BIOLOGISTES MEDICAUX ?
« Cette collaboration est l’occasion de montrer que la biologie de ville peut participer à de vastes opérations de recherche de santé publique. Et ce, en permettant d’effectuer des prélèvements dans de bonnes conditions avec un contrôle qualité qui existe déjà dans tous les laboratoires de ville », énonce François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes. En effet, dans le cadre de cette enquête, le Syndicat des biologistes a donné son avis sur la définition des protocoles à mettre en place, sur les informations à communiquer aux familles ainsi que sur les guide-lines qui seront fournies aux laboratoires impliqués.
Pour le reste, les laboratoires de biologie médicale effectueront les prélèvements de sang et de cheveux et réaliseront un bilan lipidique et un dosage de la glycémie. Une fois les examens réalisés, les laboratoires devront conserver les échantillons qui seront ramassés en fin d’étude pour stockage à l’Établissement français du sang (EFS), en attendant leur utilisation pour des projets recherche.
Retour individuel aux familles
Les résultats des bilans lipidiques et de la glycémie seront retournés aux familles et à leur médecin traitant. L'intérêt est surtout pour des taux de cholestérol qui laisseraient suspecter des hypercholestérolémies génétiques jusque-là non dépistées. Pour les dosages effectués dans le cadre de la recherche, aucun retour individuel aux familles n'est prévu. Une exception sera toutefois faite pour les résultats d'analyse biologiques avec des valeurs anormales, des effets déjà connus sur la santé et s'il existe une prise en charge connue.
Retour collectif aux familles
Destinées à aider les enfants à bien grandir, l'étude Elfe profite bien entendu aux familles. Les parents qui ont accepté d'y participer sont donc les premiers informés des avancées des chercheurs dans chacun des domaines abordés (santé, environnement, vie sociale). A mesure qu'ils sont valisés, les principaux résultats sont publiés dans le journal Elfe Infos, régulièrement adressé aux parents. De cette façon, les familles progressent au rythme des scientifiques vers une plus grande connaissance de l'enfance et des conditions de son bien-être.
ZOOM SUR LA PHASE PILOTE DE L’ÉTUDE
Les principales régions concernées par cette phase test sont l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne- Franche-Comté, les Hauts-de-France et l’Île-de-France.
Les familles pilotes
L'enquête nécessite d'effectuer, à chaque stade, une sorte de répétition générale en amont sur une cohorte plus réduite. Les premiers travaux ont donc débuté dès 2007 auprès de 500 familles pilotes sollicitées au sein de 62 maternités de plusieurs régions de France. Plus de 300 familles, dont les enfants sont maintenant âgés de 10 à 11 ans, sont encore suivies dans la cohorte pilote. D’autres familles tirées au sort par l’Insee seront également recrutées pour cette phase test.
Grâce à ces familles pilotes, l’organisation de l’étude Elfe ne cesse de s’affiner pour assurer à tous les participants la meilleure réalisation du projet, de la prise de contact avec les parents à l’exploitation des informations recueillies.
L’enquête aux 10-11 ans des enfants
Les familles pilotes seront contactées au printemps 2018 pour une enquête téléphonique et une visite à domicile. Cette rencontre avec les enfants permettra d’effectuer des mesures du poids et de la taille, un examen respiratoire ainsi que des tests cognitifs sur ordinateur. Elle permettra aussi de leur poser des questions sur leur vie quotidienne et de réaliser quelques exercices d’aptitude physique. Enfin, c’est dans ce cadre que seront effectués, pour les familles et les enfants qui l’acceptent, les recueils et les examens biologiques (sang, urines, cheveux, salive).
L’ÉTUDE ELFE, EN BREF
Elfe, comme Etude longitudinale française depuis l'enfance, est la première étude scientifique d'envergure nationale qui aborde les multiples aspects de la vie de l'enfant sous l'angle des sciences sociales, de la santé et de l'environnement. Le croisement de données médicales, recueillies par des professionnels de santé, avec de multiples informations sociodémographiques, environnementales, etc., fait toute la richesse scientifique de l’étude Elfe.
Une première du genre en France
Elfe a pour objectif d'observer, sur une durée de vingt ans (de 2011 à 2031), des enfants nés à la même période afin de comprendre ce qui perturbe ou, au contraire, favorise leur développement. La raison d'être de cette étude est fondée sur le constat que les jeunes enfants sont particulièrement sensibles aux conditions de leur environnement.
Elfe a été généralisée en France métropolitaine depuis avril 2011 et concerne plus de 18 000 enfants nés lors des quatre saisons de 2011.
Pilotée par l'Institut national d'études démographiques (Ined) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en partenariat avec l'Etablissement Français du Sang (EFS), l'étude Elfe est soutenue par un ensemble de ministères et d'institutions publiques. Elle mobilise environ 150 chercheurs appartenant à de nombreuses disciplines scientifiques.
Les grandes étapes
A la maternité. Après un premier entretien introductif avec les parents, le suivi de l'enfant commençait dès ses premiers jours, à la maternité. Les mères renseignaient les sages-femmes sur le déroulement de leur grossesse (activités, alimentation, traitements médicaux suivis, leur état de santé et celui de leur nouveau-né...). Dans certaines maternités, si les familles l'acceptaient, ont été réalisés des recueils d'échantillons biologiques qui concernaient principalement les mères (sang veineux maternel et urines avant l'accouchement, sang de cordon et fragments de cordon au moment de l'accouchement, une mèche de cheveux de la mère, lait maternel et premières selles du bébé après l'accouchement). L'objectif est de repérer la présence de marqueurs inflammatoires ou de polluants et de mieux comprendre les interactions entre environnement et patrimoine génétique de l'enfant.
Deux mois plus tard. Un entretien téléphonique a été ralisé avec les parents permettant d'en apprendre un peu plus sur les conditions de vie des enfants, leur contexte familial, l'alimentation et l'éducation qui leur sont données, leur environnement, etc. Un questionnaire concernant la diversification alimentaire de l'enfant entre deux et dix mois a également été envoyé aux parents. Certaines familles, choisies au hasard, ont reçu par ailleurs un piège à poussière à installer dans la chambre de l'enfant. Ces capteurs environnementaux ont permis de mesurer la présence de microorganismes dont on étudie maintenant le lien avec la survenue d'allergies.
A partir d'un an. Au premier anniversaire des enfants, puis à fréquence régulière, les parents ont à nouveau été sollicités par téléphone. Les données sur la composition familiale, l'activité professionnelle des parents, le logement et les ressources ont été actualisées. A cela se sont ajoutés des questionnements concernant directement les enfants (jeux, organisation des repas, entrée à l'école, développement des relations familiales et amicales, hospitalisations ou suivis médicaux particuliers...). Les enseignants des enfants ont également été associés à l'étude pour l'observation de leurs apprentissages. Vers dix ans, un examen clinique est également prévu lors d'une visite à domicile. C'est dans ce cadre que les LBM sont sollicités.
Quelques résultats
Cette étude qui vise à mieux comprendre comment l'environnement affecte, de la période intra-utérine à l'adolescence, le développement, la santé, la socialisation et le parcours scolaire des enfants, rend régulièrement publics les résultats de recherche. Ainsi, un des projets de recherche a pour objectif d'évaluer les effets des polluants de l'air et du climat sur la santé des femmes enceintes et celle des bébés. Les résultats montrent notamment que dans les zones urbaines françaises, les femmes enceintes des quartiers les plus défavorisés sont les plus exposées aux polluants atmosphériques menaçant la santé.
Un autre rapport de recherche portant sur les trajectoires de tabagisme pendant la période périnatale et les facteurs de risque conclut que les trajectoires de tabagisme à long terme des femmes varient en fonction de la consommation initiale de tabac, mais qu'à consommation initiale égale, la présence d'un partenaire et sa propre consommation de tabac sont déterinants pour l'arrêt du tabac pendant la grossesse et la reprise après la grossesse.