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Suspension confirmée en appel Suspension confirmée en appel

Affaire Cerballiance : pour tout comprendre de la condamnation à un mois de suspension d'activité

10 septembre 2018

Une lettre de l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie, datée du 27 août dernier, sollicite les laboratoires de la région pour qu’ils prennent le relais des seize sites du laboratoire Cerballiance Normandie en cas d’application, dès le 15 septembre, d’une condamnation à un mois d’interruption d’activité prononcée par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Cependant, le Conseil d’État ayant été saisi par Cerballiance Normandie, parallèlement à un pourvoi en cassation contre cette décision, d’une demande de sursis à exécution, on ne saura si cette sanction sera ou non appliquée qu’une fois que le Conseil d’État se sera prononcé. Soit, a priori, le 14 septembre.
 
Cette situation est le fruit d’un combat entamé depuis quatre ans par des biologistes médicaux adhérents du SDB (et soutenus par le Syndicat). Ils ont ainsi obtenu la confirmation de la condamnation disciplinaire de Cerballiance Normandie, filiale de Cerba, dans le cadre d’une acquisition d’un laboratoire (décision de la chambre de discipline d’appel du CNOP AD 3772 du 22 juin 2018). Explications d’une affaire illustrant les dérives de notre secteur. 

L’origine de la plainte

La plainte déposée contre une filiale de Cerba, Cerballiance Normandie (anciennement « Centre de Biologie Médicale »), par trois biologistes médicaux dont un membre du conseil d’administration du SDB, avait été motivée par l’acquisition de la SEL CBM par la SELAFA Cerba qui, selon les plaignants, aurait été accomplie en violant tout à la fois : 

  1. les règles de détention du capital (Cerba se retrouvant à un moment donné détentrice de 100% du capital de la SEL) ;
     
  2. les règles de direction des SEL (la SEL ayant, un court moment, eu pour président et pour directeur général des biologistes non associés) ;
     
  3. l’obligation de notifier à l’Ordre les modifications intervenues au sein de la SEL dans un délai d’un mois (les déclarations n’ayant été réalisées que plus de quatre mois après les opérations) ;
     
  4. le nombre impératif d’exerçants associés au sein de la SEL en fonction du nombre de sites exploités (leur nombre ayant temporairement été réduit à 3, puis 2, puis 0 au lieu de 9).

La décision de la chambre de discipline d’appel

Dans sa décision, la chambre de discipline d’appel, tout comme la Section G en 1re instance, s’est attachée à sanctionner les deux derniers manquements (3 et 4 ci-dessus), et tout particulièrement la violation de l’article L. 6223-6 du CSP sur le nombre d’exerçants :

« Considérant qu’à la suite des cessions intervenues lors de l’assemblée générale du 3 décembre 2013, le nombre de biologistes en exercice au sein du laboratoire de biologie médicale exploité par la SEL « Centre de biologie médicale », a été réduit à trois au lieu de neuf pendant quinze jours, puis à deux pendant deux jours ; que ces manquements, qui se sont prolongés jusqu’au 20 décembre 2013, revêtent un caractère de gravité de nature à engager la responsabilité disciplinaire de MM. R. et C. ainsi que de la SEL « Centre de biologie médicale » 

En considération de la gravité particulière de ce manquement, la chambre disciplinaire a confirmé la sanction d’interdiction temporaire de pratiquer des examens de biologie médicale durant un mois pour Cerballiance Normandie. L’instance a également aggravé la sanction d’interdiction de pratiquer la pharmacie prononcée contre les deux biologistes médicaux, en la portant à deux mois pour chacun.
 
En revanche, la chambre de discipline d’appel du CNOP s’est montrée peu sensible à la gravité des manquements concernant les règles de détention du capital et de direction de la SEL. Elle a estimé qu’en dépit des irrégularités commises, celles-ci, « dans les circonstances de l’espèce », et vu leur caractère « très limité dans le temps », n’étaient pas de nature à engager la responsabilité disciplinaire des personnes mises en cause.
 

Le SDB n’est pas totalement satisfait

Si le SDB est globalement satisfait de cette décision, puisqu’elle vient rappeler que le respect de la loi est valable pour tous, il ne peut cependant pas se réjouir de la non-prise en compte des deux premiers manquements.
 
À l’avenir, il lui reste donc à convaincre les instances disciplinaires ordinales que des manquements volontaires aux règles de détention du capital et de direction des SEL en vue de réaliser des opérations auquel le strict respect du droit fait obstacle, même extrêmement limités dans le temps, restent des manquements. Non seulement ils portent atteinte au principe d’indépendance des biologistes médicaux, mais surtout ils sont aussi le terreau de mauvaises pratiques professionnelles, donc de risques pour la santé publique, et doivent être fermement sanctionnés.
 

Une réponse responsable des biologistes normands à la lettre tardive de l’ARS

Cerballiance a formé un pourvoi en cassation contre la décision et demandé au Conseil d’État, dans l’attente de son arrêt, de prononcer le sursis à exécution de la sanction. Pour motiver sa requête, Cerballiance fait notamment valoir que si elle était appliquée, une telle mesure ferait courir d’importants risques de rupture de l’offre de soins et mettrait en danger les patients en cas d’urgence. L’application de la suspension temporaire d’activité d’un mois, applicable à partir du 15 septembre, pourrait donc être différée si Cerballiance obtenait ce sursis à exécution.
 
Cependant, nous tenons à saluer avec force l’intense mobilisation des biologistes médicaux normands. Suite à la réception bien tardive de la lettre de l’ARS, ils se sont en effet organisés en urgence pour répondre pleinement aux enjeux de santé publique et de l’offre de soins.

Bien que l’ARS n’ait commencé à réagir à la nécessité de remplacer temporairement Cerballiance Normandie (avec l’importante organisation que cela exige) que fin août, soit deux mois après la décision du CNOP et à peine plus de quinze jours avant le 15 septembre, les biologistes médicaux normands seraient ainsi aujourd’hui en mesure de couvrir l’ensemble des besoins, y compris les urgences hospitalières, des secteurs où sont implantés les seize sites du laboratoire Cerballiance.

Dernière modification le mardi, 18 septembre 2018