Rappel des faits
En mai 2017, le SDB avait subi une incroyable agression de la part du groupe Cerba :
- D’une façon pour le moins inédite et démesurée, Cerba Healthcare, munie d’ordonnances judiciaires (1), avait fait saisir par des huissiers assistés de forces de police des milliers de documents (dont certains strictement couverts par le secret tels des dossiers médicaux ou des fichiers d’adhérents) au siège du SDB mais aussi dans le laboratoire de son président, François Blanchecotte. Cerba avait procédé de même au siège du SJBM.
- Cerba avait officiellement justifié ses actions auprès du juge par la prétendue nécessité de collecter des preuves en vue de la future action en justice qu’elle indiquait vouloir mener contre les syndicats pour « concurrence déloyale » (nous étions suspectés d’« entente » et de « dénigrement » par Cerba).
- En réalité ces saisies intervenaient dans un contexte très particulier : en mars 2017, le SDB avait, avec le SJBM, assigné en justice le groupe Cerba pour faire sanctionner la probable violation par ce dernier de règles d’ordre public économique relatives à l’indépendance professionnelle des biologistes médicaux et à la détention indirecte du capital des SEL de biologistes médicaux (cette action est toujours en cours). Cette assignation avait eu lieu « à un moment clé de la vie du groupe Cerba, qui [faisait] l’objet d’une prise de contrôle par deux fonds d’investissement (…) pour une somme de 1,8 milliard d’euros», comme l’avait indiqué Cerba dans ses requêtes. Et le groupe avait annoncé vouloir répliquer avec force à l’action des syndicats.
La volonté de paralyser l’action syndicale
Pour le SDB, mais aussi pour de nombreux syndicats de professionnels de santé qui lui ont apporté leur soutien (lien LBM flash du 28 juin 2017 : « Saisie de documents demandée par le Groupe Cerba – Les syndicats de santé indignés par l’atteinte à la liberté syndicale »), la contre-attaque démesurée de Cerba Healthcare visait clairement à « paralyser l’exercice de l’expression et de l’action syndicales dans le domaine de la biologie médicale libérale », et, par l’intimidation, à réduire les syndicats au silence.
Cette action de CERBA avait été abondamment commentée (La newsletter du Quotidien du Médecin du 7 juin 2017 titrait ainsi « Le SDB accuse le groupe Cerba d'atteinte à la liberté syndicale après la venue d'huissiers »).
Une saisie pour rien
Les milliers de documents saisis n’ont toutefois jamais été communiqués à Cerba. En effet, le SDB ayant sollicité la rétraction des deux ordonnances autorisant ces saisies, les documents collectés ont été placés sous séquestre entre les mains d’huissiers, le temps que la justice décide si Cerba Healthcare était bien fondée à obtenir des documents, et, dans l’affirmative, lesquels.
Dans un premier temps, le même juge que celui qui avait autorisé ces saisies a confirmé ses décisions. Mais dans un deuxième temps, la cour d’appel de Paris a, par une décision très motivée, intégralement rétracté (annulé) ces ordonnances, en confirmant que le SDB n’avait aucunement excédé les limites de l’action et de l’expression syndicales.
La cour a également considéré que les documents saisis n’étaient nullement utiles à l’action qu’elle indiquait vouloir mener contre le syndicat :
« Du tout, la cour retient que la société Cerba Healthcare ne dispose pas d'un motif légitime à la mesure d'instruction sollicitée, pour les motifs suivants (…) »
« Force est toutefois de constater que les deux derniers documents ainsi querellés sont rédigés en termes juridiques et généraux qui ne visent pas la société Cerba Healthcare. Au demeurant, celle-ci ne prétend pas qu'une de ses opérations en particulier ait été entravée.
Dès lors, ces communiqués peuvent à l'évidence se rattacher à la mission d'information, de conseil et de défense de la profession d'un syndicat professionnel de la biologie médicale, fussent-ils pour la société Cerba Healthcare emprunts d'un parti pris militant contestable et relayés dans la presse dans le contexte du procès au fond appelé à trancher la question. »
« En tout état de cause, la société Cerba Healthcare n'explique pas précisément en quoi cette lettre conforte la vraisemblance d'une entrave à ses opérations de croissance externe, subsidiairement, d'actes de concurrence déloyale et de dénigrement, alors même que le Syndicat des Biologistes y rend compte d'un rendez vous du 14 avril précédent à la DGOS pour discuter d'une future circulaire sur la réforme de la biologie médicale destinée aux ARS, réunion au cours de laquelle elle a exposé son opinion ci-dessus rappelée, en terme juridiques et généraux. »
« En définitive, la société Cerba Healthcare ne peut se prévaloir d'un faisceau d'indices graves et concordants suffisant pour rendre ses soupçons vraisemblables, étant observé que la mesure d'instruction sollicitée n'apparaît pas utile au procès que la société Cerba Healthcare envisage d'engager contre le Syndicat des biologistes à qui elle reproche des faits connus, voire même ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions et les ordonnances sur requête n° 17/1306 et 17/1550 en examen rétractées. »
Par ailleurs, la cour a condamné Cerba Healthcare à prendre en charge une partie des frais des avocats adverses à hauteur de 20 000 euros (article 700 du CPC). Une somme loin de couvrir les 60 000 euros que le SDB a dû débourser pour sa défense depuis deux ans. Une autre façon d'affaiblir l'action syndicale !
La groupe Cerba jusqu’au-boutiste
Cerba Healthcare ne se résout visiblement pas à l’annulation des saisies, puisqu’elle vient d’introduire un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris.
Le SDB est cependant serein quant aux suites qui devraient être données à cette requête. Et il reste plus que jamais mobilisé pour assurer, en tous lieux, chaque fois que nécessaire, la défense de la biologie médicale indépendante et de qualité.
--
1 - Ces ordonnances judiciaires avaient été obtenues de façon non contradictoire (sans débat ni information préalable des personnes saisies) auprès d’un juge unique, comme le permet sous certaines conditions l’article 145 du code de procédure civile pour préserver des moyens de preuve.