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Le test virologique HPV au cœur de la nouvelle stratégie de dépistage du cancer du col de l'utérus Spécial

19 avril 2021

Jusqu’en juillet 2020, le dépistage du cancer du col de l’utérus était effectué via une analyse cytologique du frottis cervico-utérin destinée à détecter d’éventuelles lésions. Le test HPV n’était prescrit qu’en cas de frottis ASC-US positif ou de lésions de bas grade. Depuis cette date et désormais, un nouvel algorithme de dépistage, sous forme de test HPV en initial et en routine, s’applique pour les femmes de plus de trente ans. Explications avec le Pr Charlotte Charpentier, virologue au CHU de l’Hôpital Bichat (AP-HP), lors de l’émission Bio-M diffusée sur la chaîne du SDB en mars dernier.

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Quelle est la conduite à tenir pour les femmes de plus de trente ans

Pr Charlotte Charpentier : Depuis un an, le génotypage HPV dans le cadre du dépistage primaire du cancer du col de l’utérus est devenu la norme pour les femmes à partir de trente ans.

Si le test HPV à haut risque oncogène (HPV-HR) est négatif, le dépistage suivant a lieu cinq ans plus tard, justement parce que l’extrême sensibilité du test HPV autorise d’espacer de la sorte la surveillance.

S’il est positif, il convient alors de procéder à une analyse cytologique du frottis pour déterminer la présence ou pas de lésions et si oui, de quel type. Et même en l’absence de lésion, le protocole prévoit de refaire un test HPV-HR un an plus tard. Ce n’est que s’il est négatif que le suivant aura lieu cinq ans après.

Et pour les femmes de vingt-cinq à trente ans ?

Pr C. C. : Pour les femmes de vingt-cinq à trente ans, l’analyse cytologique demeure la règle car c’est durant cette tranche d’âge que le taux d’incidence des HPV est le plus élevé, cette période est aussi celle de la clairance naturelle. En effet, si pratiquement toutes les femmes rencontrent le virus au début de leur activité sexuelle, on constate, dans 90 % des cas, un phénomène de régression et d’élimination naturelle de ce dernier dans les deux ans suivant le premier contact avec le virus. En revanche, s’il persiste, le risque oncogène et de lésions cytologiques précancéreuses est élevé, ces dernières pouvant elles-mêmes régresser ou évoluer, au bout d’une dizaine d’années, en lésions cancéreuses de haut grade.

Pouvez-vous rappeler le principe des tests HPV ?

Pr C. C. : Pour mémoire, ce sont des tests de biologie moléculaire qui détectent, dans la grande majorité des cas, l’ADN HPV, soit par une amplification du signal d’hybridation, soit par une amplification de la cible d’une partie du génome du virus. Ceci peut faire appel à différentes techniques : l’hybridation sur bandelette ou sur puce et  la PCR en temps réel, laquelle est la technique la plus utilisée.

Par ailleurs, il est également possible de détecter les ARN messager E6 et E7, soit les deux oncogènes viraux des HPV à haut risque.

En outre, dans le cadre des tests PCR, le HPV 16, qui est le plus cancérigène et le plus fréquent, est toujours recherché de manière individuelle, de même pour le HPV 18 dans la grande majorité des cas. La dizaine d’autres HPV-HR, eux, sont recherchés en mélange (« pool »). Ce qui induit qu’en cas de résultat positif, on ne sait pas combien il y a d’HPV identifiés ni lesquels. Or, le nombre d’HPV est une information importante dans la mesure où c’est un facteur d’évolution vers la gravité.

Enfin, la particularité des tests HPV est qu’ils ont une validité clinique par rapport à leur capacité à détecter les lésions de haut grade alors que nous, biologistes médicaux, sommes habitués à notre sensibilité analytique.

Ces tests comportent deux références : l’Hybride Capture 2 (HC2) et la PCR consensus GP5+/6+. Au regard de celles-ci, pour qu’un test soit validé et permette de détecter des lésions de haut grade, il faut qu’il affiche :

  • une sensibilité clinique d’au moins 90 % par rapport à celle obtenue avec HC2 chez les femmes de plus de trente ans ;
  • une spécificité clinique d’au moins 98 % par rapport à celle obtenue avec HC2 chez les femmes de plus de trente ans.

A noter qu’il existe un référentiel international destiné à analyser et à valider de manière homogène et selon les mêmes critères chaque type de test, en l’occurrence, le système Valgent (pour Validation of HPV genotyping tests).

Quel est l’impact de cette nouvelle approche pour les biologistes libéraux ?

Pr C. C. : On peut utiliser les mêmes prélèvements en virologie et en anatomopathologie mais il faut que ce soit un frottis en phase liquide. De surcroît, si les tests peuvent être effectués à partir de différents types de flacons, il faut s’entendre avec l’anapath pour que les systèmes soient valides dans les deux laboratoires. Par exemple, si l’anapath a un automate d’étalement de lames particulier, à partir de ses flacons, il faut que ces derniers soient valides pour le système PCR en virologie.

A noter que dans le cas où un test HPV à un an s’impose après un premier test positif, il est conseiller d’utiliser le même type de test, quand bien même rien n’est énoncé en ce sens dans les recommandations.

Que pensez-vous de l’auto-prélèvement ?

Pr C. C. : L’auto-prélèvement, pour ce qui est de l’aspect virologique de la détection du HPV, est tout à fait satisfaisant. De surcroît, il permet d’augmenter l’adhésion au dépistage. En revanche, il n’est pas possible de procéder à des analyses cytologiques à partir d’auto-prélèvements. Ce qui signifie qu’en cas de détection de HPV-HR, la personne doit réintégrer le circuit de soins classique.

 

Une prévalence à ne pas mésestimer

Les cancers induits par l’HPV représentent de 5 à 10 % des cancers à l’échelon mondial. Le col de l’utérus est l’organe le plus souvent atteint mais d’autres peuvent l’être comme l’anus, le pénis ou le circuit ORL.

L’incidence du cancer du col de l’utérus est de 570 000 nouveaux cas par an à l’échelle planétaire et de 3 120 cas en France pour une mortalité annuelle, dans l’Hexagone, touchant de 1 100 patientes en 2012, soit 51 % des décès chez les femmes de 25 à 64 ans.

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Dernière modification le lundi, 19 avril 2021