L'ACTUALITÉ

HPV : « Positionner davantage encore les biologistes dans le dépistage du cancer du col de l’utérus » Spécial

31 mai 2022

Depuis juillet 2020, tous les biologistes libéraux ont enfin la possibilité de participer pleinement à la lutte contre le cancer du col de l'utérus. La pandémie du Covid-19 a occulté cette avancée majeure pour les femmes, mais il est temps de la remettre au-devant de la scène.

Comme pour le dépistage du VIH, le SDB vous propose une affiche à apposer dans vos laboratoires afin d'informer les femmes sur l'intérêt de se faire dépister. Avec un objectif : prendre en charge au plus vite un cancer de l'utérus au plus proche de son apparition. 

Mais la situation n'est pas tout à fait satisfaisante. Explications avec le docteur Henry-Pierre Doermann, Vice-Président du SDB et exerçant à Bergerac. Il  précise les évolutions qu’il conviendrait de donner au dépistage du HPV afin d’obtenir un gainmaximisé en termes de santé publique.

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L'interview du Dr Henry-Pierre Doermann

Pourquoi les biologistes doivent-ils s’emparer pleinement du dépistage du HPV ? 

Henry-Pierre Doermann : Pour tirer parti davantage encore des compétences et du maillage territorial des biologistes médicaux pour un meilleur dépistage du cancer du col et un parcours de soins concomitant optimisé pour les femmes. Depuis plusieurs années, la profession et plus particulièrement le SDB ont fortement contribué à l’essor de ce dépistage, non seulement sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif en se battant pour que l’on utilise les techniques les plus récentes et les plus adaptées. Les outils de dépistage des cellules précancéreuses du col de l’utérus ont en effet considérablement évolué. Dès lors, les biologistes se sont beaucoup impliqués pour modifier les modalités du dépistage, les précédentes n’étant pas efficientes car insuffisamment sensibles. On est ainsi passé du frottis et d’un dépistage individuel qui n’était pas organisé à un dépistage organisé de l’ADN des virus oncogènes HPV via un prélèvement génital, plus précisément cervical voire vaginal. Il s’applique aux femmes de 30 à 65 ans. En revanche, pour celles âgées de 25 à 29 ans, la pierre angulaire du dépistage demeure le frottis. Tout cela devrait permettre d’augmenter le nombre de femmes dépistées et de baisser le nombre de décès causés par le cancer du col de l’utérus.

Le rôle du biologiste ne s’arrête pas là…

H-P.D. : Exactement. En cas de résultat positif du prélèvement cervico-vaginal, nous avons à assumer une prestation de conseil sur un sujet pouvant être inquiétant pour nos patientes. A cet égard, le biologiste joue un rôle très important pour bien expliquer que ce résultat positif ne veut pas dire qu’il y a un cancer mais est seulement un facteur de risque qui nécessite de prendre des précautions. En l’occurrence, effectuer des examens complémentaires, en particulier un frottis cervico-vaginal dans un premier temps et, par la suite, des contrôles réguliers même si le frottis est négatif.

Reste que les biologistes se heurtent toujours à des obstacles réglementaires ineptes…

H-P.D. : Effectivement. Rappelons qu’au départ, pour le dépistage organisé, il est recommandé par la HAS un prélèvement au niveau du col de l’utérus par un médecin clinicien ou une sage-femme. En effet, sur la base de ce dernier, on procède au laboratoire à une recherche d’HPV. Si celle-ci s’avère négative, on arrête là les investigations. Si elle est positive, il est nécessaire de déclencher, sur le même échantillon et donc en 1 temps, la réalisation d’un frottis par un anatomopathologiste pour confirmer l’existence ou non de cellules précancéreuses. Le dépistage individuel est prescrit par un médecin clinicien ou une sage-femme. C’est là qu’intervient l’aberration.

En effet, les biologistes médicaux (pharmaciens-biologistes ou médecins-biologistes) sont habilités à effectuer un prélèvement au niveau du col (prélèvement cervico utérin) dans l’optique d’une recherche d’HPV. En revanche, en l’état actuel de la réglementation, les pharmaciens-biologistes (contrairement aux médecins-biologistes) ne sont pas autorisés à effectuer ce même prélèvement cervico utérin en vue de procéder à un examen cytologique (frottis cervico-utérin).

Dès lors, trois cas de figure sont possibles :

  1. Dès le départ, le médecin clinicien ou la sage-femme qui prescrivent, procèdent eux-mêmes au prélèvement au niveau du col et l’envoient au laboratoire de biologie médicale. Le biologiste peut alors, en cas de résultat HPV positif, transmettre l’échantillon à l’anatomopathologiste pour un frottis ;
  2. Le prélèvement initial est fait au laboratoire par un médecin-biologiste sur prescription. En cas de résultat HPV positif, le médecin-biologiste peut alors transmettre l’échantillon à l’anatomopathologiste pour un frottis ;
  3. Le prélèvement initial est fait au laboratoire par un pharmacien-biologiste sur prescription. En cas de résultat HPV positif, la patiente doit alors être orientée vers un médecin clinicien ou une sage-femme pour effectuer un second prélèvement cervical (prélèvement cervico utérin) qui servira de support au frottis.

On comprend que cette situation, uniquement due à des raisons de restriction réglementaire sur un acte (le prélèvement cervico utérin) de prélèvement que tous les biologistes médicaux (y compris les pharmaciens-biologistes) ont le droit d’effectuer par ailleurs, est synonyme de perte de temps pour toutes les parties-prenantes et de complications logistiques puisqu’il faut alors prendre un second rendez-vous avec l’un de ces professionnels de santé, lesquels sont le plus souvent débordés.

On imagine aisément la lourdeur d’une telle procédure, pour les femmes et l’allongement des délais du dépistage. Il est important de souligner que cette situation n’est pas rare étant donné que les pharmaciens-biologistes représentent entre 70 et 80% des effectifs des biologistes médicaux.

Cela fait des années que le SDB bataille auprès des tutelles pour changer les choses…

H-P.D. : Oui et, hélas, en vain pour le moment sur ce problème du prélèvement contre-productif pour le dépistage. Cette distorsion a uniquement une origine réglementaire. Encore une fois, elle s’avère fortement contre-productive tant elle va à l’encontre de l’efficacité et de la généralisation requises du dépistage. Sachant que pour que ce dépistage soit efficient, il faudrait dépister au moins 85 % des femmes. Pour cela, il est crucial que les biologistes soient, eux aussi, autorisés à procéder à des prélèvements au niveau du col en vue d’un frottis. Le pire est qu’ils font déjà ces mêmes prélèvements, au même endroit et avec des milieux de transport identiques pour les recherches de HPV.

Quid du cas où initialement, c’est la femme qui procède elle-même à un Autoprélèvement vaginal (APV) ?

H-P.D. : Ce procédé qui fonctionne est un bon outil pour dépister plus de femmes et n’est pas synonyme de perte de chance dans la mesure où il est aussi sensible et permet de détecter de l’ADN viral. S’il débouche sur une analyse positive, il est indispensable dans ce cas de procéder à un frottis complémentaire, la patiente doit alors être orientée vers un médecin clinicien pour un nouveau prélèvement, cette fois cervical. Là encore, le parcours de soin pourrait être simplifié si les femmes dépistées HPV positives sur un auto-prélèvement vaginal pouvaient être convoquées et prélevées au laboratoire par un biologiste médical en vue d’un frottis.

Quels sont les autres pistes d’optimisation de ce dépistage ?

H-P.D. : Pour que l’examen de dépistage soit remboursé, il faut que la patiente reçoive par courrier un bon de prescription de la part du centre régional de dépistage organisé des cancers. En revanche, si une patiente souhaite se faire dépister de sa propre initiative à titre individuel, elle doit, pour cela, obtenir une ordonnance de son gynécologue, de son médecin etc. Ce qui, là non plus, n’est pas très logique. Il conviendrait, au contraire, que sur la base d’une enveloppe spécifique supplémentaire de la Cnam dédiée au dépistage et à la prévention, les biologistes puissent accueillir dans leurs laboratoires celles qui sont peu ou pas dépistées. Et ce, sur le modèle du dispositif Labo sans ordo mis en place dans le cadre du dépistage du VIH.

De même, il n’est pas rare que les laboratoires reçoivent des patientes pour une recherche d’infection génitale sur prescription. On effectue alors le prélèvement et lors de l’interrogatoire, on leur demande si elles ont bénéficié d’un dépistage du cancer du col dans les bons délais. En cas de réponse négative, actuellement les biologistes médicaux ne peuvent malheureusement régulariser ce défaut de dépistage HPV car il n’est pas pris en charge par l’Assurance maladie hors prescription. Les femmes dans ce cas doivent alors prendre RDV avec un clinicien et faire l’objet d’un nouveau prélèvement. Ce qui ressemble fort à un parcours du combattant au regard des déserts médicaux et des délais de prise rendez-vous qui ont actuellement cours.

 
 

Pour mémoire : l'affiche pour le dépistage VIH 

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Informations supplémentaires

  • Accès Restreint: non
Dernière modification le mardi, 02 mai 2023